Césarion d'Alexandrie

Césarion d'Alexandrie

Puisque nous fûmes chassés d'Eden

 

 

 

N’est-il aucun salut pour ceux-là d’entre nous

Que leur premier jour vit dévastés de malheurs,

Pauvres, malades, laids à hanter de terreurs,

Condamnés à rouler la prière à genoux ?

 

Je ne crois pas que rien, jamais, survînt au monde

Sans qu’un rayon de grâce eût béni son destin

A l’heure où du néant se leva son matin,

Ou qu’un seul printemps fût sans le vol d’une aronde.

 

 Ce sillon dans le ciel fût-il seul à briller,

Confondît-il l’azur à ses frontières noires,

Voulût-il qu’à l’instant cesse l’œuvre des moires,

L’ensemencer serait saintement délier :

 

Ce serait d’une mère épargner la torture

De ployer sans recours sous la fourbe saison,

Ce serait pour chacun libérer l’horizon

D’un écueil sans pardon pour sa grâce future.

 

*

 

Nous qu’une aurore intègre appela de ses vœux,

Qui ne sommes qu’humains et n’avons d’autre tare,

D’autre faix à porter, d'autre enjeu, d’autre gloire,

J’ose nous demander de passer aux aveux :

 

Pesons-nous bien souvent comme il faut notre chance ?

Notre intime jardin, savons-nous ses beaux fruits,

Les doux soins qu’on lui doit, et les jours et les nuits,

Afin qu’en nous triomphe un phare d’espérance ?

 

Bien des tentations, bien des facilités,

Font briller leur appas, tentent de nous séduire

Et de nous arracher à notre fier empire

Au profit du plaisir gredin des vanités :

 

Plus une âme est heureuse, et plus elle est capable,

Plus de flatteurs miroirs, par-dessus tout menteurs,

En un lit de lauriers plein de douces moiteurs

Lui peindront son mérite - et la vendront au diable.

 

Qui jamais parmi nous naquit pur diamant,

 Comblé de tous les dons, d’esprit, de cœur, de grâces,

Dans le duvet d’un nid doré, libre d’angoisses,

Déjà victorieux, sûr de son firmament ?

 

Qui n’abrita jamais en son for quelque faille,

Une poche d’abîme et de basse douleur,

Tel antre où ne vit, folle, avide et sans couleur,

Qu’une bête assassine - et rien d’autre qui vaille ?

 

Qui se croit prémuni pour toujours du danger,

Conquérant d’un savoir, d’un socle inaliénable,

L’épargnant à coup sûr de cet abominable,

Dans ses bras infernaux vient juste de plonger.

 

Ce n’est qu’au dernier jour que se clôt ce chapitre.

Le plus doué de tous, tant qu’il sera vivant,

Devra mieux que personne au front de l’éprouvant

Se livrer jusqu’au bout pour honorer son titre.

 

 

mardi 27 janvier 2015

 

 



27/01/2015
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