Césarion d'Alexandrie

Césarion d'Alexandrie

L'Homme, Prince carnivore

 

 

Depuis la nuit des temps, l’Homme, pour subsister,

Mange des animaux. La chair étreint son âme

Et son âme la chair : l’une est bois, l’autre est flamme,

Quels que soient les démons qui viennent le hanter.

 

A jamais est ancré dans la nature humaine

De perdurer sur Terre et s’y tenir debout,

Le front ceint de rayons - c’est là son meilleur goût -

En carnivore heureuse et maîtresse d’arène.

 

Depuis qu’il n’est plus singe et marche dans la plaine,

Sapiens sut déchoir de son titre de roi

Toute bête féroce : il  honora la loi

Des prétendants au trône et n’eut plus la dent vaine.

 

Son corps-même obéit à ce devoir princier :

La chair se révéla pour lui si fondatrice,

Et si primordiale au sein de sa matrice,

Qu’il l’exempta du croc par le feu du gésier.

 

Il en grandit sans fin ! Il crût toujours en force,

En noblesse et beauté, par le combat mortel,

Tant le muscle devint l’étoile de son ciel,

Le sang de son esprit, le vin de son écorce.

 

Le danger permanent qui tous nous menaçait,

L’ivresse du défi des plus hautes conquêtes,

Nous firent courageux, fiers au-delà des bêtes,

Plus forts et plus savants, comme le divin lait.

 

*

 

Qu’importe le déni des lâches de la troupe,

Ces enfants apeurés par leur être de sang,

Eux dont la foi naïve aux vers prête le flanc :

L’honneur boira toujours à la charnelle coupe.

 

Qu’importe leur folie et leurs cris indignés,

Leur noire gravité, leur âpre intolérance,

Cette conviction que leur donne la transe

Des faibles qui se croient des anges désignés,

 

Eux qui conspuent le mal dès que naît la souffrance,

Quelle que soit la loi qui lui donne le jour,

Fût-elle la lumière et le chant de l’amour,

Ou le juste miroir de notre délivrance !

 

Ils ne sont que délire et vain ressentiment :

Souffrir est naturel, et n’accuse aucun crime

Quand la vie accomplit son cycle légitime ;

Ce n’est pour l’Animal matière à grand tourment.

 

Par la blessure mortelle il s’éteint doucement,

Sans crainte ni hantise : son instinct le lui dicte.

Contre son prédateur son cœur est sans vindicte :

Naïf et sans pitié, tel est son élément.

 

Pourvu que le bourreau soit chaste et sans colère

Quand il abat sa proie ! Alors il est l’honneur

De l’humaine tribu, le sacrificateur

Divin de notre espèce - et non plus sa misère.

 

 

 

 

 

lundi 25 avril 2016



25/04/2016
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