Césarion d'Alexandrie

Césarion d'Alexandrie

A Lily

 

 

J’avais alors quinze ans et me voulais un homme ;

De maint puissant danger j’avais mordu la pomme,

Et les vertes amours du monde adolescent

Avaient déjà perdu leur charme effervescent

Au gré de mon désir précocement adulte.

J’étais aux yeux de tous marqué d’un signe occulte

Sur les bancs du lycée, où je m’évertuais

A m’armer de savoir au milieu des bluets,

Dont ni jeux, ni soucis, n’avaient sur moi d’emprise.

On m’avait recouvert d’une affreuse aura grise,

Et mon cœur à la longue aurait pu se damner,

Jusqu’à se renier par crainte de faner,

Si je n’avais croisé les yeux de cette femme

Dont les cours de français revigoraient mon âme

Et l’iris m’éveillait dans de secrets éclairs

Tandis que j’admirais ses courbes et ses airs.

O divine Lily ! J’aurais douté des anges

Si je n’avais connu ces merveilles étranges

Qu’entre tes mains, tes bras, en ton corps et tes seins,

Me dispensa l’amour en lumineux essaims

Durant de si longs mois, comme une grâce obvie,

En cette aurore sombre où s’enferrait ma vie !

Mais quel malheur ce fut lorsqu’on nous sépara !

Cette horrible douleur, qui jamais la dira ?

Que ce fut violent, infamant, hypocrite !

On t’exila ! Vers où ? Dis, ma tendre petite,

En quels lieux écartés, à jamais interdits,

Te reléguèrent-ils, ces juges, ces maudits ?

Sais-tu jusqu’où leurs mains allèrent dans l’outrage ?

Jusqu’en nos souvenirs ! Jusqu’en ta moindre image,

Et jusqu’au moindre objet qu’un beau jour tu touchas :

Tout ! Ils m’ôtèrent tout ! Plus pillards que des chats !

Un seul objet de toi réchappa du massacre :

Une fine brassière aux dentelles de nacre

Qu’au fond de mon manteau, depuis le premier jour,

Je gardais chaque instant comme un charme d’amour,

Et qui longtemps noya comme un fleuve mes larmes

Quand, brisé de douleur, je déposais les armes !

Dix ans durent passer avant qu’en le voyant

Mon cœur enfin devînt tranquille et souriant,

Et que ta beauté seule et nos heures de gloire

Vinssent comme du ciel gouverner ma mémoire.

Tout est déjà bien loin aujourd’hui, c’est certain :

Vingt printemps, penses-tu ! - Mais tu fus mon Matin,

La source de ma joie et de ma soif de vivre -

Et ton blanc balconnet, mon plus précieux livre.

 

 

 

lundi 19 janvier 2015

 

 



20/01/2015
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