Crack à Rochechouart
Ici Paris vomit sa lie sur le trottoir
Comme un limon maudit ; les trafics les plus sombres
S’y nouent à chaque instant ; c’est tout un peuple d’ombres
Qui se retrouve là du matin jusqu’au soir,
Veule, avide, aux aguets, abîmé par la drogue,
Dont il est, pauvre enfant, le sinistre épilogue.
On vend sous le manteau tous les poisons connus
Dans ces rues de Barbès, sous l’écran de la foule
Qui tout le jour ici comme un torrent s’écoule
Et brasse froidement des milliers d’inconnus :
Là, le crime et le vice, à l’abri de la vue,
Viennent se féconder sans nulle retenue.
C’est un jour comme un autre. Un jeune homme apparaît,
L’œil sûr et décidé, mais où perce la fièvre
Née du souffle brûlant qui déchire sa plèvre,
Et qui, tel un tyran qui le tient sous ses rets
Le traîne par la chair vers ce marché sordide
Où s’échange le rêve au prix du lent suicide.
Or il est sûr d’avoir déjà tout bien pesé.
Qu’est-il en ce bas monde ? - Un jeune homme ordinaire,
Le quidam hasardeux d’un milieu populaire,
Un visage oublié sitôt qu’on l’a croisé,
Et sans grande instruction : qu’à présent tout condamne
Au vase où doucement la fleur des champs se fane;
Tout, sauf le caillou blanc que son doseur attend,
Dont la fumée lui monte au cerveau comme un charme,
Et lui souffle une foi que plus rien ne désarme,
Qui l'embellit, l'égaie, le rend brave, éloquent,
Le couvre d’une aura qui fascine les femmes,
Et le fait insensible aux morsures des flammes.
On le retrouvera, quelques heures plus tard,
Dépouillé de ce bien, soulagé de sa bourse,
Roué de coups, gisant, comme au bout de sa course,
Au niveau du palier d’un immeuble à l’écart ;
Et tandis que viendra le chercher l’ambulance,
Trois garçons s’oublieront dans le rêve et la transe.
Mardi 13 mai 2014
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