Césarion d'Alexandrie

Césarion d'Alexandrie

Migrants

 

 

Du Moyen-Orient, et d’Afrique, et d’Asie,

Chassés de leur foyer, convaincus d’hérésie,

Condamnés dans leur choix par de sombres tyrans

Qui ne voient qu’ennemis en dehors de leurs rangs,

Ils sont des millions à quêter un refuge

A l’abri de ces fous, à l’abri du Déluge

De larmes et de sang que versent ces faucons

Sur leur terre natale en leurs divisions.

Ils sont des millions à tenter la fortune

Et suivre leur étoile à de seuls rais de lune,

Le long d’âpres chemins, sur des sols étrangers,

Fragiles et soumis à d’horribles dangers :

Bandits de grands chemins, fièvres, nature hostile,

Indigènes haineux et jaloux de leur île,

Pauvreté mise à bout prête à chasser l’intrus

Sans pardon ni pitié, tant ses malheurs sont crus.

 

Est-ce là le fin mot de la grandeur humaine ?

Laisserons-nous partout introniser la haine,

Croître le fanatisme, et la faim, et la peur,

L’égoïsme mesquin, l’ordre de la terreur ?

Quelle démission ce serait en l’Espèce !

Quel échec général, quel aveu de faiblesse !

Mais quel fâcheux revers, dessus-tout, attendrait

Le régnant dont la main puissante trahirait !

Occident ! C’est à toi que ce signe s’adresse !

A toi dont l’héritage enserre la promesse

Et le sens des valeurs de l’Homme souverain,

Toi qui vis, au-delà des chapelles d’airain,

L’avenir se nouer sous la loi fraternelle

Et l’œil clair de l’ami comme sous sa tutelle,

Toi qui possèdes l’or et le profond savoir :

Redoute tes démons ! Sois ferme en ton vouloir !

Le vent d’un grand déni souffle sur tes conquêtes !

Le parti diviseur, le monstre aux mille têtes,

Attaqué de partout en cette fin de nuit

Qu’annonce notre Temps, voit le sien qui s’enfuit,

Et tente d’étouffer dans un sanglant orage

Le cri de la vigie  à l’affût du rivage.

Passe lui donc la bride ! Ou redoute à nouveau

Que ton front soit marqué de son indigne sceau :

Celui de l’hypocrite, et du serf et du traître,

Et de l’usurpateur sur le trône du maître -

Celui de qui les jours seront tous condamnés

A craindre à chaque instant le cri des nouveau-nés.

 

Ton accueil est propice ! Il souffle l’espérance

Pour chacun ici-bas, tant l’injuste souffrance

Sous ce noble rempart trouve enfin de repos ;

Mais prend garde aux dangers encore sur ton dos,

Prends garde à l’Intérêt, dont l’appétit de pieuvre

Ne voit en ces migrants que sang neuf et main-d’œuvre

Dont il faut s’emparer comme d’un don du ciel :

Gent qui reniera tout en échange du miel

Du travail et des droits du troupeau démocrate -

Et son Dieu Tout-Puissant, et son fer phallocrate !

 

On ne modèle une âme en vertu d’un contrat.

Et moins encore quand c’est sous un ciel ingrat

Qu’on l’engage à changer  - Respecte leur misère !

Il en ira chez toi soit de paix, soit de guerre,

Dès lors que leur courage aura repris ses droits.

Ton devoir est plus saint, ses chemins plus étroits.

Ainsi prends garde encore au danger sur ta gauche,

Prends garde au doux-bêlant assoiffé de débauche,

Prêt à donner pour rien, sinon se croire bon,

Les plus tendres trésors d’un heureux horizon

A ce monde étranger que mène en toi la crainte,

Gémissant sous le joug de l’amère contrainte.

Ni la vocation, ni le choix souverain,

Ne lui firent quitter avec le moindre entrain

Les lieux de sa naissance, où sa profonde sève

Seulement coule en lui comme en son nid de rêve.

Son espoir est là-bas, par-delà ta bonté,

Ne le trompe donc pas par culpabilité.

 

C’est d’un ami viril, bienveillant et sévère

Dont il a grand besoin, c’est d’un noble grand frère,

D’une épaule un peu rude, et non d’un lit de fleurs,

Ou d’un marché légal sans âme ni couleurs :

C’est d’un haut allié ! - Car nous sommes en guerre,

Unis et différents, contre un monstre en colère,

Une hydre furieuse aux appétits sans frein

Dont les feux ennemis signeraient notre fin.

 

 

 

 

 

mardi 7 juin 2016

 



07/06/2016
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