Césarion d'Alexandrie

Césarion d'Alexandrie

Merci

 

 

Ce toit clair et serein sous lequel chaque soir

Je m’endors doucement dans l’ivresse d’un rêve,

Cet abri salutaire où se signe la trêve

Entre le monde et moi, dans le calme et l'espoir,

 

Cet honnête foyer d’où, chaque jour, j’observe

Le cœur changeant du ciel d’un œil libre et ravi,

Souriant à l’azur, à l’orage, à l’envi,

Certain de ce cocon qui des vents me préserve,

 

Cet intime silence, et ce chaud réconfort

Du temps qui m’est offert et de son pain facile,

Grâce auxquels désormais, loin de la loi servile,

Bienheureux je me livre à mon plus fier effort,

 

Et chaque heure qui passe, au milieu de ce monde,

Cette grande Province aux accents familiers,

Ces instants partagés dont sont faits ses piliers,

Et sur lesquels tout vœu d’éternité se fonde,

 

Ce bonheur - dont mon âme est comblée aujourd’hui -

Dont je puise la sève afin de la répandre

Et nourrir l’arbre fier agoni sous la cendre,

Ce frère infortuné que les Astres ont fui -

 

Qu’en saurais-je sans vous ? Sous quelle étrange étoile,

Quelles lunes sans joie et quels cieux de malheur

Aurais-je du plier, hagard et sans lueur,

Sans vous dont le grand cœur un jour hissa la voile !

 

Sans cette haute flamme et ce noble flambeau

Qu’en tout lieu d’injustice, avec fierté, tenaces,

Malgré la peur, la haine et ses mille menaces,

Vous fîtes triompher pour un ordre nouveau,

 

O mes frères, sans vous, sans l’intraitable guerre

Que vous livrâtes, tous, où le puissant brutal

Ecrasait du talon, tel un vil animal,

L’homme pauvre et meurtri par la tempête amère,

 

Sans la lutte acharnée et souvent sans répit

Qu’au front des tribunaux, du haut de cent tribunes,

Ou devant des canons déchaînant leurs rancunes,

Vous menâtes toujours malgré deuil et dépit,

 

Au secours de celui que l’aveugle fortune,

Sans famille ni bien, poussa comme un jouet

Dans la serre de ceux qui tenaient le fouet

Et le dévoraient comme une manne opportune,

 

Au secours de tous ceux qui peinaient dans la nuit

Qu’étendaient autour d’eux, telle une mer immonde,

Un marais de mépris, les heureux de ce monde -

Et sombraient dans l’abîme, affolés par son bruit.

 

J’aurais été de ceux, éteints et solitaires,

Qui cherchent sous des ponts un misérable abri,

Blessés depuis l’enfance, étouffé par leur cri,

Et traînent en chemin toujours plus de misères,

 

De ceux qui sur le fil d’un douloureux oubli

Perdent un jour l’espoir, et se font vents de haine,

De rage et de débauche et de malheur obscène -

Ou sombrent dans le crime – oh, le plus fier repli !

 

Mieux qu’un rêve maudit j’aurais hanté la terre.

Mort ou vivant, qu’importe ? Un damné sans recours

Toujours crache et flétrit : il rend vain tout secours ;

Son cœur n’est plus qu’un vaste et brûlant cimetière.

 

 

 

mercredi 30 septembre 2015

 



30/09/2015
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