Misère de l'Aigle
Sous un ciel rare et gris, la neige s’abattait,
Rapide, en rangs serrés, violente, et fouettait
Montures et soldats, tel un cocher sans âme
Avide de souffrance, et de peur, et de drame.
Pour la première fois, sous un refus cinglant,
L’Aigle se retirait, défait, meurtri, sanglant,
Les ailes en proie à la colère du monde,
Dont le grand hiver russe, en sa rude faconde,
S’était fait le héraut puissant et mystérieux.
Napoléon marchait, sombre, et baissait les yeux ;
Au fond du gouffre, encore, il soupesait ses chances ;
Il comptait sans faillir, morts, vitesse, distances ;
Et tous lui répondaient, bien qu’il fût un géant,
En le persécutant des foudres du néant.
Rien ne pouvait masquer désormais la débâcle :
On fuyait ! Et l’horreur se donnait en spectacle ;
La fatigue et la faim torturaient tous les corps
Mais bien moins que le froid, dont tremblaient les plus forts :
Une halte soudaine, une chute banale,
Et l’on se pétrifiait, glacé jusqu’à la moelle
Dans le temps d’un soupir, sans espoir de retour,
Sous l’œil d’hommes marqués du signe du Vautour.
Toute chair était bonne à manger dans la plaine ;
Tout valait qui pouvait faire reprendre haleine;
Et dans l’esprit du Chef l’Espoir se dessina
Quand apparut le pont de la Bérézina.
vendredi 19 décembre 2014
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