Césarion d'Alexandrie

Césarion d'Alexandrie

Retour à la raison

 

Derrière moi, les bruits, les brouillards de la ville,

Les glaives quotidiens, disparaissaient enfin;

Au pied de la falaise, où me poussait ma faim,

Je renouais avec le parfum d’une idylle :

 

Celle du vrai bonheur, de la pure valeur,

De l’accomplissement supérieur de l’âme,

Libre de l’hypocrite et moraliste blâme,

Seul face à la nature et sa froide grandeur !

 

Défier les sommets des plus hautes montagnes :

Cela seul selon moi valait d’être vécu ;

 Y renoncer, c’était se déclarer vaincu,

Errer de plaine en plaine et de bagnes en bagnes,

 

C’était trahir, se fuir, vivre comme un rampant,

Mollir dans le confort, s’éteindre en habitudes,

Clouer son horizon de croix de certitudes,

Croire en un Paradis promis par un serpent !

 

Rien ne pouvait freiner mon désir d’altitude :

Je convoitais l’azur comme d’autres de l’or,

La roche m’aspirait, souveraine en mon for,

Et je vouais un culte à l’âpre solitude,

 

A l’arête, au versant, au pic inexploré,

A l’oxygène rare au-dessus des nuages,

Aux confins où l’abîme est de tous paysages :

Nul pays en mon cœur ne fut plus vénéré.

 

Mortelle passion ! Impavide vampire !

Que de maux sans pardon et de piteux lauriers

Furent mon lot, en somme, à te baiser les pieds

Et me soumettre entier à ton terrible empire !

 

Que d’ennui taciturne au milieu des déserts,

D’heures à vivre en ver à l’abri des tempêtes,

De compagnons perdus, le corps réduit en miettes,

De secours impuissants – oh, que de deuils amers !

 

O démon, tu rongeas mon humanité même,

M’appris à mépriser tout ce qui t’ombrageait,

Tout ce qu’en mon esprit la géhenne changeait

Pour me damner au front de ton idéal blême,

 

A ces hauteurs sans âme où l’on trône en pantin,

Comme une herbe orgueilleuse au cœur d’un sol stérile,

En conquérant confit d’une gloire imbécile

Dont l’inutile exploit est l’unique butin !

 

Mais qu’importe au Ciel qu’on mange de la glace,

Si c’est ôter le goût du monde familier,

Lui devenir farouche, au point de lui nier

Le droit de prendre en nous sa grande et douce place ?

 

Si c’est ôter le sel des versants clairs-obscurs

Où nous guident des pas pleins de vigueur allègre

Quand le désir en nous vit d’une flamme intègre

Et se fait un automne où s’offrent des fruits mûrs ?

 

J’aime aujourd’hui les bois, les intimes clairières,

Les chemins ombragés, l’or parcimonieux

Qu'y répand le soleil comme un vin pour les yeux

Sur les dermes sereins de leurs hôtes et frères,

 

J’aime entendre le chant d’un paisible cours d’eau,

D’une escorte d’oiseaux, du vent dans la ramée,

Des rires innocents, d’une gerbe pâmée,

Tout ce qui gonfle un cœur et des bras de cadeaux,

 

Plus que jamais, jadis, je n’aimai la rudesse

Des terres de silence et de gouffres béants

D’où je pensais puiser la force des géants,

Et celle de tenir devant Dieu Ma Promesse ;

 

Pas le moindre regret ne m’atteint désormais

Quand je songe aux beautés de feux multicolores

Dont les mers de sommets se teignaient aux aurores -

Et pour qui je pensais me damner à jamais !

 

 

 

 

 

jeudi 22 janvier 2015

 



22/01/2015
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