Enfer requin
Le sol est recouvert d’ossements, de débris.
D’infâmes araignées, de sordides couleuvres,
Rampent en salivant sur des restes de pieuvre
Et de corps mutilés. En surface, les cris
Des pêcheurs dépeçant les ailerons des squales
Avertissent la troupe immonde du festin.
Des myriades de vers, au cœur de cette eau sale
Fourmillent en nuées porteuses de destin.
J’ai vu l’homme affamé se livrer au massacre
De l’innocent requin, je l’ai vu, résigné,
Suer sur l’océan, dans le sang, les feux âcres
Des peines et des peurs pour remplir son panier :
J’ai vu l’homme réduit au plus vil esclavage
Par des hommes plus vils encor, riches et fiers,
Détruire notre terre avec des cris de rage,
Et nourrir l’ambition d’un peuple à la cuiller.
Et j’ai frémi d’horreur, voyant la pauvre bête
A la mer rejetée, qui se vrillait en vain,
Blessée, sans gouvernail, vers le fond des ravins
Comme un triste déchet de peau grise et d’arêtes :
Il allait dans la fosse où le charnier grouillant
De ses frères meurtris s’étendait en silence
Et peuplait de poisons l’avenir balbutiant
De la Terre muée en Enfer de violence !
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