Césarion d'Alexandrie

Césarion d'Alexandrie

Détention



N’oublie pas le soleil vivant de l’horizon ;

Autour de toi le mur silencieux de nos haines

Jette son ciel de nuit sur tes rues de prison ;

Un clair coup de marteau vient d’en graver la peine.

 

La police t’attend, les menottes, ton sort,

Les barreaux, toujours l’ombre, et regarder la porte,

Comme un pauvre affamé, mi-vivant, demi-mort ;

Tu sais comme à si peu, vraiment, ton âme importe ?

 

Quel crime as-tu commis? C’est toute la question.

Les fouilles n’étaient rien, rien qu’une mise en bouche,

Ici l’œil sans pudeur s’ouvre, plein de passion,

Et te poursuit parfois jusqu’auprès de la couche.

 

Quel crime as-tu commis ? Chacun veut le savoir.

Quel drôle de méfait t’a-t-il valu ce cloître,

Ces geôliers vigilants, ces rangs dans les couloirs,

Et ce souci constant d’être prêt à te battre ?

 

Chacun s’est découvert parmi les détenus ;

On sait qui vole et tue et comment il se nomme,

Les lieux qu’ailleurs il hante, et son cœur, son corps nu,

Des erreurs, des horreurs, que jamais rien ne gomme.

 

Quel crime as-tu commis ? Il n’est pas d’innocents

Parmi tes compagnons ; certains ne t’aiment guère ;

Certains d’entre eux même ont le meurtre dans le sang -

Pourvu que ton mot souffle une saine lumière !

 

Dans ce nid de serpents qu’enveniment la nuit,

Les plus profonds cachots de la bêtise humaine,

Un fier cambrioleur est un phare qui luit,

Un séducteur naïf, un digne objet de haine.

 

*

 

N’oublie pas le soleil vivant de l’horizon !

Ici la mort rappelle à toute heure un point sombre,

D’acier chante sa chaîne, et se rit du tison,

Défunts et meurtriers viennent danser en nombre,

 

Pauvres mortels errants, du rêve et de ces murs !

D’abord maint agneau blanc, gémissant, sans parole,

Qui connut le supplice et le feu des impurs,

La geôle des tyrans, leurs dents et casseroles,

 

Proie du reître sordide à l’abri des barreaux,

Pour sa couleur de peau, pour la force d’un rêve

Et qu’on laissa, repu, gisant sur le carreau,

Comme une vieille épave échouée sur la grève ;

 

Puis maint pauvre pendu qu’on retrouva matin

Le cou dans le linceul, cédant sous la torture,

Comme une ancienne dupe, et, jouet du destin,

Parti trop jeune avec au cœur trop de brûlures.

 

N’oublie pas le soleil vivant de l’horizon !

N’oublie pas cette étoile en cette heure bien sombre,

Les vivants et les morts se font une raison

Et ne goûtent plus rien que le silence et l’ombre.

 
 
 
 
 
 
dimanche 16 mars 2014


16/03/2014
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