Césarion d'Alexandrie

Césarion d'Alexandrie

L'odyssée d'un Parisien, 3ème partie

Désenchantement

 

L’argent, là-bas, détient la puissance suprême !

Qu’on le nie ou s’aveugle ou s’arme de raison

Il s’impose en gardien du plus mince horizon,

Corrompt toute espérance, et le vice lui-même.

 

Il n’offre aucun repos, tient toujours le fouet,

Mord au moindre sourire ou faveur inutile,

Tel ce père absolu, critique de l’Idylle,

Pour qui tout cœur ne fut jamais rien qu’un jouet.

 

Cette vie à laquelle avec tant d’allégresse

J’aspirais, à présent qu’en homme je naissais,

Cet heur familial qu’alors je caressais,

Fait de Flamme et de joie et de pure tendresse,

 

Ce temps victorieux, fier, libre et souverain,

Que j’avais cru pouvoir dédier à mes Terres,

Au terreau d’un futur nourri de vins solaires,

Ce rêve d’avenir lumineux et serein,

 

Le monstre le saigna sans la moindre indulgence,

Sans même hausser le ton de plus d’un seul degré,

Tant il mène là-bas toute chose à son gré

Et sait de ses rivaux sonner l’affreux silence.

 

Il n’eut pour mon bonheur ne fût-ce qu’un regard -

Sinon celui d’un loup pour un faible adversaire,

Un prétendant chétif, naïf et solitaire,

Venu lui disputer quelque courant égard.

 

Sa serre sans ciller resserra son emprise,

Ordonnant toujours plus, plus de chiffre, d’effort,

Méthodique, infernale, et susurrant la mort,

M’intimant chaque jour de creuser l’aube grise,

 

De me faire semblable à ses plus fiers élus,

D’y vouer ma santé, mon cœur, mes apparences,

Mes loisirs - et les miens ! Toutes mes espérances !

Tout devait advenir un matin dans ce flux.

 

Oh, comme il s’entendit à vanter la promesse !

Comme il sut exalter son horizon vainqueur,

A travers la forêt de peine et de douleur

Qui la valeur dressait au front de la richesse,

 

Comme il sut exciter mon courage et ma foi,

Me pousser au défi, m’enivrer de ma force,

Attiser mon désir de relever le torse

Pour le servir encor comme on sert un Dieu-roi !

 

Dix hivers sans repos avaient rongé mon âme,

La paix de mon foyer, sa naïve fraîcheur,

Avant que le mal pût m’ouvrir à mon erreur,

Et me pousser enfin à défaire sa trame,

 

A desserrer l’étau des mille vanités,

Mille tentations de la ruche infernale,

Qui sans cesse étendaient sur nous leur ombre sale,

Et dévoyaient l’azur de nos plus beaux étés.

 

 

 

 

mardi 6 octobre 2015



06/10/2015
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